Par Dan Delmar, 22 décembre 2021
À la fin de chaque année, l’Institut Macdonald-Laurier (IML) détermine quelle personne ou quelle institution a eu le plus grand impact sur la politique publique fédérale canadienne au cours des 12 mois précédents. Cette personnalité ou institution est désignée comme « décideur » de l’année et fait la une du magazine phare de l’Institut « Inside Policy » en décembre. Cette année ne fait pas exception.
Les décideurs de l’année sont généralement des dirigeants canadiens au palier fédéral, comme l’ancienne ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould choisie en 2017, mais pas toujours. Pour son édition de 2019, l’IML avait choisi le secrétaire général du Parti communiste chinois Xi Jinping, car ce dirigeant étranger avait eu un impact substantiel sur la politique intérieure canadienne.
En 2021, le décideur politique fédéral est un choix inhabituel en ce sens qu’il s’agit d’un politicien provincial. Ce qui est encore plus rare dans l’attribution du prix de décideur de l’année de l’IML, c’est que les allégeances de ce décideur de l’année sont difficiles à définir.
François Legault est-il Canadien? Un douanier dirait oui, car il possède un passeport canadien. Sur le plan politique, il a renoncé au souverainisme et rejeté les appels à un troisième référendum. Toutefois, le premier ministre du Québec a également fermement refusé de s’identifier comme fédéraliste, tandis que son gouvernement a choisi d’ignorer certaines parties de la Constitution canadienne en reniant les traditions juridiques fondamentales du Canada au chapitre de la liberté d’expression.
C’est difficile à croire, mais le Canada de 2022 est un pays où une femme peut être retirée de son poste d’enseignante simplement en raison du hijab qu’elle choisit de porter.
Quelques semaines avant le congé des Fêtes, Fatemeh Anvari, enseignante de 3e année à l’École primaire Chelsea en Outaouais, a été mutée à un poste administratif lié à la « diversité ». Satisfait de cette option, Legault a réprimandé la Commission scolaire Western Québec pour avoir embauché cette enseignante, en comparant cette pratique religieuse au port d’un tee-shirt affichant le logo du Parti libéral.
Ironiquement, la réponse des libéraux aux deux paliers de gouvernement a été tiède, et très peu libérale sur le plan idéologique. Si bien que Legault s’est même dit heureux de la non-intervention prolongée du premier ministre Justin Trudeau dans les débats sur la laïcité.
Que souhaite Legault?
Qui est François Legault et que veut-il de la part du Canada? Il s’agit d’une question qui ne cesse d’être posée au premier ministre et ancien ministre du Parti québécois depuis son retour en politique en tant que non-souverainiste, il y a dix ans.
Sa Coalition avenir Québec est apparue au milieu des scandales de corruption entourant les partis traditionnels québécois. Présentés comme une coalition arc-en-ciel du centre droit composée de fédéralistes, de souverainistes et de non-engagés généralement décrits comme des nationalistes mous, les caquistes fondateurs constituaient un groupe intéressant et accompli de réformateurs pro-affaires. Nombre d’entre eux étaient d’anciens membres du parti Action démocratique du Québec de Mario Dumont, une formation conservatrice.
L’histoire de la CAQ pourrait être divisée en deux demi-décennies, la première présentant un nationalisme plus modéré, moins combatif; une position nébuleuse vis-à-vis du Canada ne l’a pas aidé à faire des percées durables parmi les fédéralistes ou les souverainistes engagés.
François Legault a été accusé de « traître » par ses plus durs détracteurs dans les deux camps politiques; mais en fin de compte, qui a-t-il trahi?
Legault a grandi dans une famille à revenus modestes à Sainte-Anne-de-Bellevue, ville à majorité anglophone dans l’Ouest-de-l’Île de Montréal. La réussite de Legault est l’histoire inspirante d’un petit gars ordinaire qui fera sans doute l’objet d’un film un jour. Selon le Montreal Gazette, François a fréquenté l’église à l’ombre du club de golf huppé de Beaconsfield; il a dû ressentir une grande fierté lorsqu’il a franchi les portes du club pour la première fois en tant qu’entrepreneur accompli, et il est même retourné au club à quelques reprises par la suite.
François Legault a une formation de comptable. Il a été vérificateur chez Ernst & Young, mais il avait un œil sur l’avenir, et plus précisément sur l’industrie de l’aviation, où il a décroché un poste en marketing auprès du défunt transporteur régional Québecair. Lorsque l’entreprise a déclaré faillite et a été vendue par le gouvernement du Québec en 1986, un groupe d’anciens employés, dont des pilotes et des cadres comme Legault, s’est rassemblé pour lancer un nouveau transporteur : sa plus grande réussite dans le milieu des affaires.
En 2018, pour décrire son ascension, François Legault a raconté (From Milkman to Quebec Premier ‒ De laitier à premier ministre) que le fait de devenir membre du club de golf de Beaconsfield lui avait donné l’impression de vivre un rêve et, qu’avant Air Transat, il « n’était pas riche».
La CAQ devient bleue
M. Legault est le leader nationaliste le plus discipliné à être apparu depuis un certain temps. Il fait preuve d’un sérieux et d’un calme qui n’est pas sans rappeler les mêmes qualités chez l’ancien premier ministre Lucien Bouchard, lui-même un ex-péquiste ayant renoncé à la souveraineté après avoir courtisé avec succès les nationalistes de tout acabit.
Bien qu’il ne dise pas grand-chose de ses opinions personnelles sur le fédéralisme canadien, ce que nous connaissons de la vision de François Legault, c’est qu’elle se transforme et qu’elle prend une orientation politique parfois vaguement décrite comme de l’autonomisme.
« Personne ne s’imagine qu’il redeviendra souverainiste demain », écrivait en 2019 dans le Journal de Montréal, Mathieu Bock-Côté, le controversé nationaliste publiquement admiré par le premier ministre : « Mais il sert son pays, le Québec, qu’il ne voit pas comme une simple province du Canada ».
S’il est vrai que certains des amis et collègues les plus proches de François Legault sont des fédéralistes ‒ y compris son épouse, Isabelle Brais ‒ le point de vue du premier ministre sur la souveraineté culturelle, exprimé clairement dans son bilan législatif de 2021, le positionne certainement contre le fédéralisme.
Le paysage politique du Québec s’est rapidement réaligné, et la CAQ a servi d’accélérant, marginalisant du même coup le PQ et le volet explicitement sécessionniste du mouvement nationaliste québécois.
« Cet axe (nouveau) vient brouiller les alliances traditionnelles qui existaient entre souverainistes et progressistes à gauche et fédéralistes et conservateurs à droite », écrivaient les politologues Éric Bélanger et Jean-François Godbout, respectivement de l’Université McGill et de l’Université de Montréal, dans une récente édition du Devoir. Chez Legault, « On trouve ici le même message qu’au XIXe siècle, époque où les « Bleus » cherchaient à défendre l’héritage du régime français, soit sa foi catholique, ses institutions et ses lois ».
Un PQ Lite?
Le recentrage de la CAQ a commencé par le renouvellement de son image de marque en 2015; le logo « arc-en-ciel » a été écarté au profit d’un motif familier tout bleu, la fleur de lys.
En 2016, la CAQ déclenchait une manœuvre offensive sur le terrain du PQ en embauchant un éminent stratège de l’ancienne première ministre péquiste Pauline Marois; au printemps, la démission du chef Pierre Karl Péladeau frappait le PQ d’un autre revers majeur. Le parti souverainiste a continué de s’étioler comme on s’y attendait et ne détient à l’heure actuelle que sept sièges à l’Assemblée nationale.
Legault n’était pas prêt à perdre une troisième élection en 2018, et son programme simili-péquiste (PQ Lite) a trouvé preneur : fort sur la langue française sans être radical; en faveur de la laïcité, mais pas appliquée à grande échelle dans tout l’appareil d’État; et, contrairement au PQ, la promesse d’enfin fermer la porte à un troisième référendum sur la souveraineté.
« J’appelle tous les souverainistes à être pragmatiques », a lancé François Legault dans un appel fort opportun avant le vote de 2018.
Les libéraux du centre droit dirigés par le premier ministre Philippe Couillard avaient entamé des réformes profondes et controversées de diverses parties du secteur public, plus particulièrement dans le domaine des soins de santé; le genre de restructuration depuis longtemps nécessaire, y compris le recours à de nouveaux partenariats public-privé et à l’allègement des structures administratives, qui avait auparavant entravé les efforts de Legault pour gagner les nationalistes purs et durs, favorables à un État‑providence robuste.
Le fossé entre les réformateurs néo-conservateurs fondateurs de la CAQ et les ex‑souverainistes, partisans d’un État interventionniste ‒ deux perceptions très différentes de la façon dont les gouvernements taxent, dépensent et organisent les ressources ‒ ne s’est pas encore révélé être un handicap politique.
Politiques contraires à la Charte
L’interdiction du port de signes religieux par certains employés de l’État en position d’autorité, telle que définie par le gouvernement Legault, est la partie la plus controversée de son programme législatif. Elle s’inspire de l’interdiction en France, en 2004, du port « ostensible de signes religieux » pour les élèves du primaire et du secondaire, notion qui s’est finalement retrouvée dans le rapport sur la laïcité commandé par le gouvernement du Québec et cosigné en 2008 par les philosophes Gérard Bouchard et Charles Taylor (ce dernier renoncera plus tard à ses propres travaux).
Les examens juridiques effectués par les gouvernements précédents ont conclu que l’interdiction des symboles religieux ne survivrait jamais aux contestations constitutionnelles. La loi est actuellement examinée par la Cour d’appel du Québec.
Les sondages d’opinion publique indiquent à première vue que les politiques du gouvernement Legault sur la laïcité et la langue sont plus souvent populaires qu’autrement, bien qu’elles n’émanent pas de mouvements populaires ‒ il faut les interpréter avec prudence dans le contexte de l’évaluation des questions des droits de la personne; il n’y a certainement eu aucun tollé notable, dans le contexte de la pandémie, hormis de la part des commentateurs nationalistes en faveur d’une bureaucratie linguistique plus importante et plus exigeante.
Le projet de loi 96, qui tente d’actualiser la Charte de la langue française de 1977 et encore appelée Loi 101, devrait être adopté par l’Assemblée nationale d’un jour à l’autre; Il s’agit d’un projet de loi de type omnibus, qui touche plusieurs domaines de la vie publique. Ce projet de 100 pages renforce l’usage du français notamment par des mesures qui classent les anglophones du Québec en deux groupes : ceux qui sont membres de la « communauté historique » et les membres des communautés nouvelles, et seulement le premier groupe disposera de droits acquis quand viendra le temps d’accéder en anglais à des services gouvernementaux essentiels.
Le gouvernement Legault accorde toutefois un délai de grâce aux immigrants qui ont besoin de services gouvernementaux : les nouveaux arrivants disposeront de six mois pour apprendre le français de base avant que les services en anglais ne puissent leur être refusés.
Or, selon Sheila Kussner, fondatrice de l’association de soutien aux personnes atteintes de cancer Hope & Cope, tout ce qui limite le droit à des soins de santé en anglais met clairement en danger la santé et le bien-être de ceux qui en ont besoin (Montreal Gazette).
L’ancienne députée libérale montréalaise Marlene Jennings a déclaré à l’Institut Macdonald-Laurier qu’à certains égards, Legault est plus radical que ses anciens adversaires souverainistes.
À son avis, Legault est un nationaliste radical. En déposant le projet de loi 96, il a démontré qu’il était prêt à bouleverser notre démocratie et les piliers sur lesquels elle a été fondée, la séparation des pouvoirs. Jennings, une fédéraliste de longue date, est la cheffe de facto du mouvement de résistance au projet de loi 96 en tant que présidente du Quebec Community Groups Network, l’organisme-cadre de défense des intérêts des anglophones dans la province.
Certaines parties du projet de loi 96 soumettent non seulement la Charte à des tests de résistance extrêmes, mais elles risquent de créer d’embarrassants précédents judiciaires dans l’histoire des démocraties libérales occidentales si, par exemple, les fonctionnaires de l’Office de la langue française effectuaient des perquisitions de grande envergure dans les entreprises non conformes, tel que recommandé.
L’effet domino
Un conseiller soi-disant Bleu proche de M. Legault affirme dans un gazouillis que « dans une fédération, on n’est pas obligé d’être d’accord sur tout », une déclaration compatible avec la vision autonomiste et non-interventionniste du précédent gouvernement Harper selon laquelle le Québec forme une nation au sein du Canada. À cet égard, la motion de 2006 était non contraignante et a été critiquée à cause de sa nature symbolique. Toutefois, une décennie et demie plus tard, elle a retrouvé sa pertinence et est fréquemment citée par le gouvernement Legault et même par les libéraux de l’opposition provinciale pour justifier les demandes autonomistes toujours plus nombreuses, y compris la surreprésentation du Québec au Parlement canadien, par exemple.
En ce qui concerne les relations Canada-Québec, le coup de maître politique du premier ministre a été de tout simplement amplifier la rhétorique nationaliste de manière à pouvoir revendiquer une souveraineté juridictionnelle réelle sur certaines questions constitutionnelles, probablement limitées à l’identité culturelle.
Il est inhabituel pour certains fédéralistes avoués, les libéraux en particulier, de songer à appuyer des projets comme la réforme de la Loi 101, qui semble contrevenir à la Charte des droits et des libertés; il est aussi déconcertant pour les fédéralistes, du Québec en particulier, de constater que le gouvernement Trudeau a lui aussi intégré certains principes d’apparence inconstitutionnels dans ses initiatives. Le projet de loi C-32, qui modifie la Loi sur les langues officielles et constitue une protection incontestable des droits des francophones à travailler en français, prévoit également des pouvoirs d’intervention au sein du Commissariat aux langues officielles et du Conseil canadien des relations industrielles modelés à l’image du régime linguistique québécois et qui, de l’aveu même de ses plus ardents défenseurs, n’a pas réussi à endiguer la vague d’anglicisation.
Au cours de cette année fort influente pour Legault, il a réussi à propager, grâce à son nationalisme audacieux, son attitude anti-Ottawa à d’autres premiers ministres : ce qu’au Québec on aurait pu appeler anciennement des péquisteries ou des expressions de souverainisme militant dynamique.
L’ambiguïté de Legault vis-à-vis de l’unité nationale et ses politiques ouvertement ethnocentriques semblent même avoir inspiré des crises régionales de populisme, certains nationalistes provinciaux se joignant au gouvernement du Québec pour tenter de redéfinir à la hâte leur place dans la fédération. Une série de crises constitutionnelles déclenchées par la récente législation Legault ont préparé le terrain pour des années de négociations multilatérales complexes et probablement improductives entre le Canada et ses provinces-nations les plus lésées.
Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a tenté d’articuler en novembre son intention d’inciter les provinces des Prairies à acquérir un statut de nation : « Nous en appelons à une identité culturelle pour la Saskatchewan au sein de la nation du Canada… à une nation au sein de la nation ».
En Ontario, le premier ministre Doug Ford a invoqué la clause dérogatoire en juin pour limiter les dépenses électorales des tiers. Le référendum organisé en octobre par Jason Kenney auprès des Albertains pour connaître leur opinion sur les paiements de péréquation a été largement perçu comme un moyen de pression contre le gouvernement fédéral.
Kenney a été tout à fait franc à propos de la façon dont Legault a inspiré son propre nationalisme régional.
Kenney a déclaré en mai qu’il a toujours dit qu’il pensait que l’Alberta devait imiter le Québec dans la façon dont il a si efficacement défendu ses intérêts, en ajoutant qu’il ne pouvait pas être toujours d’accord avec le Québec sur tous les points de politique, mais qu’on lutte dans cette province en utilisant tous les outils juridiques mis à disposition et que, plutôt que de combattre le Québec sur l’exercice de ses pouvoirs, il lui vouait une certaine admiration.
Une excellente journée pour François Legault
Le plus beau jour de la carrière politique de François Legault, ou du moins le moment où son influence politique a atteint son apogée, pourrait bien avoir été le 19 septembre 2021, la veille des élections fédérales.
Tous les chefs des principaux partis ont indiqué lors de la campagne qu’ils ne remettraient pas en question les nouveaux pouvoirs du Québec. Legault était parfaitement conscient de sa position favorable et a commencé à surestimer sa main, selon Chantal Hébert, chroniqueuse au Toronto Star. On a ainsi vu Legault prendre la parole à plusieurs reprises pendant la campagne et exprimer même une préférence précise pour un gouvernement conservateur minoritaire, avant de faire marche arrière.
Les Québécois n’ont pas écouté, mais les sondages indiquent que Legault n’a pas payé de prix politique pour ses déclarations; sa cote de popularité est restée élevée jusqu’à la fin de 2021, et selon certaines projections, la CAQ pourrait même gagner quelques sièges de plus aux élections provinciales de l’automne.
Dans un autre coup du sort qui a donné encore plus de poids à Legault, la controverse entourant une question abordée lors du débat des chefs et portant sur la nature discriminatoire des projets de loi 21 et 96 a placé le Québec au centre de la scène dans les derniers jours de la campagne. La quasi-totalité de la classe politique québécoise s’est ralliée à Legault. Cela n’a pas influé sur le résultat de l’élection, mais a encore déplacé davantage le centre de gravité politique vers le Québec.
On imagine la perplexité des militants péquistes de longue date qui, à certains moments de l’histoire récente du Québec, ont dû se demander pourquoi leurs dirigeants n’avaient jamais songé à prendre des mesures probablement inconstitutionnelles, sans tenir compte des normes juridiques et sans avoir à organiser un référendum ni à débattre des questions délicates de citoyenneté.
Nuages de tempête
Les gains de François Legault, en particulier pour les nationalistes purs et durs, ont été hors du commun, mais comme toute série de victoires, elle aura son dénouement. La lente conclusion de cette belle réussite a peut-être commencé lorsque les Canadiens ont voté le 20 septembre.
Même dans le meilleur des scénarios pour Legault ‒ un deuxième gouvernement fortement majoritaire en novembre ‒ il semble peu probable qu’il puisse continuer à faire avancer son programme peu conforme à la Charte sans déclencher des tensions sociales importantes, rouvrant ainsi de vieilles blessures entre les deux solitudes culturelles traditionnelles.
Bien que, dans les sondages, l’appui aux principes de laïcité et de neutralité religieuse de l’État demeure fort, ces mêmes sondages ne mesurent pas vraiment les conséquences concrètes des politiques culturelles du gouvernement Legault. Les rares fois où les sondeurs mesurent cet impact, par exemple en demandant s’il faut congédier une employée ou un employé de l’État portant un symbole religieux, l’appui à ces mesures n’est plus majoritaire.
L’entêtement à faire avancer le programme n’a fait qu’accroître les tensions sociales en France dans le passé. Cela pourrait alourdir un bilan culturel qui hantera le Québec sur la scène mondiale; comme dans le cas du « Pastagate », et ce nouveau chapitre pourrait s’avérer beaucoup plus sombre.
À la toute fin de la meilleure année de Legault, on commence à percevoir des fissures dans le programme nébuleux et populiste de son gouvernement. Son gouvernement a bénéficié d’une période de grâce prolongée pendant la majeure partie de la pandémie, peut-être en raison du manque d’expérience de la jeune CAQ en matière de gestion de systèmes dysfonctionnels. En ce début d’année électorale, la lune de miel est peut-être terminée.
Les partis d’opposition ont commencé à faire pression sur le gouvernement pour qu’il ordonne une enquête publique sur les plus de 4 000 décès survenus dans les établissements publics de soins de longue durée du Québec pendant la pandémie. Les rapports du coroner et de l’ombudsman appuient cette demande, en soulignant au moins une importante erreur de jugement : le transfert des personnes âgées hospitalisées dans des établissements de soins de longue durée, qui étaient déjà mal équipés pour gérer le virus.
L’économie du Québec continue de bien se porter, mais il y a des signes préoccupants là aussi, car de l’avis de dirigeants du milieu des affaires montréalais, les politiques de Legault en matière de langue, d’éducation et d’immigration pourraient aggraver une pénurie de main-d’œuvre déjà importante.
Il ne s’agit pas de savoir si les politiques anticonstitutionnelles feront des dégâts, mais dans quelle mesure et qui, à Québec ou à Ottawa, se préoccupe de l’embarras possible sur la scène internationale.
Inquiète pour l’avenir des relations interprovinciales dans une nation de nations aux intérêts contrastés, Jennings se demande pourquoi les autres provinces ne pourraient-elles pas ouvrir la porte à leur tour puisque le Québec leur a montré le chemin. Il lui semble que notre système judiciaire a été émasculé, à moins que la Cour suprême décide que la clause dérogatoire ne puisse être invoquée. C’est peut-être le seul chemin qui permettra au pouvoir judiciaire de jouer pleinement son rôle et de protéger notre démocratie, a-t-elle expliquée.
Surtout en temps de crise, l’ancien PDG à la main calme peut être un leader consensuel en cette période de réalignement au Québec. Mais malgré les solides antécédents de Legault en matière de leadership, c’est l’angle mort culturel qui pourrait ultimement définir son bilan. Il sera peut-être encensé dans les cercles nationalistes pendant des décennies, mais pas bien au-delà; et pas parmi les Québécois, notamment ceux et celles des générations plus jeunes; fières de leur multilinguisme et de leur appartenance à un pays cosmopolite du G7. Malgré les réalisations de Legault, les Canadiens ne lui pardonneront jamais son bilan.
Dan Delmar est un commentateur politique basé au Québec, un ancien journaliste et chroniqueur, et le cofondateur de TNKR Media, une entreprise de relations publiques et de marketing de contenu.