Le système canadien d’assurance hypothécaire procure de robustes fondations au marché immobilier. Les acheteurs qui ne peuvent se permettre une mise de fonds initiale de 20 % du prix total de la maison doivent assurer leur hypothèque contre le risque de défaut de paiement. Le gouvernement, pour sa part, garantit cette assurance. Ce système encourage les prêts sûrs tout en protégeant les prêteurs, les emprunteurs et le système financier dans son ensemble contre les risques excessifs. Il nous a admirablement servi pendant la récente crise financière. Mais il comporte une faille importante : il prive les consommateurs des avantages de la concurrence en accordant un avantage indu à la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) par rapport aux entreprises privées.
En tant qu’organisme public, la SCHL jouit d’une garantie de ses polices d’assurance hypothécaire à hauteur de 100 % par le gouvernement fédéral. Le gouvernement a toutefois décidé de n’offrir qu’une garantie de 90 % de chaque prêt aux sociétés privées d’assurance hypothécaire. Cela signifie que les banques dont les consommateurs s’assurent par l’entremise d’une firme privée doivent mettre de côté plus de réserves de capital pour se prémunir contre le faible risque de défaut de paiement par l’assureur, ce qui n’est pas le cas s’ils s’assurent avec la SCHL. Ainsi, les taux de rendement sont plus élevés pour les hypothèques assurées par la SCHL. Cela fait une importante différence et entraîne des conséquences néfastes lorsque les marges de profit sont minces et que les banques sont inquiètes à propos de leurs réserves de capital, comme ce fut le cas pendant la crise financière qui a débuté en 2008.
Cette politique contredit le budget fédéral de 2006, qui visait à promouvoir une plus grande concurrence au sein du secteur de l’assurance hypothécaire. Les innovations dans les pratiques de prêts et les réductions de taux qui ont été observées en particulier depuis l’entrée sur le marché en 1995 de Genworth Financial Canada, l’autre principal joueur, justifient pleinement la décision de permettre à des firmes privées de concurrencer la SCHL à partir des années 1960.
L’incapacité des autres entreprises à prendre pied sur ce marché, de même que la réduction soudaine des activités de Genworth après 2008, montrent bien que l’avantage accordé à la SCHL prive les consommateurs des bienfaits de la concurrence et décourage les assureurs privés. L’argument le plus plausible pour justifier un traitement spécial pour la SCHL est qu’elle poursuit d’autres objectifs sociaux ou environnementaux importants. Le recours à des « subventions croisées » pour financer des objectifs sociaux à partir des profits des opérations commerciales d’une entité publique est cependant une mauvaise façon de poursuivre de tels objectifs. Cela a pour effet de priver les acheteurs de maisons des avantages de la concurrence, en plus d’obscurcir la responsabilité des gestionnaires et d’être injuste.
Le principal élément qui garantit la solidité du système canadien d’assurance hypothécaire est l’exigence que les hypothèques à rapport prêt/valeur élevé soient assurées avec un soutien considérable du gouvernement. Le système peut être amélioré en le rapprochant davantage d’un modèle entièrement concurrentiel, dans lequel un organisme dérivé de la SCHL qui se consacrerait à l’assurance hypothécaire ferait face à la compétition sur la base des mêmes règles et cela, en étant toujours soumis à un strict contrôle réglementaire des critères de prêt. On accomplirait une avancée majeure vers la création d’un marché plus propice aux acheteurs de maison en mettant fin au taux différentiel de garantie des hypothèques et à ses effets nuisibles sur les acteurs privés de ce marché.