Cet article, initialement publié en anglais par l’Institut Macdonald-Laurier, a été traduit par Tradfem.
Par Mia Hughes et Peter Copeland, 13 Janvier, 2025
Les politiques du Service correctionnel du Canada (SCC) en matière d’identité sexuelle sont une fois de plus sur la sellette après le procès au Québec d’un père accusé (et maintenant reconnu coupable) d’avoir tué sa femme et ses deux jeunes enfants. Mohamed Al Ballouz, qui a commencé à se déclarer femme après son arrestation, est accusé d’avoir poignardé à mort sa conjointe Synthia Bussières pas moins de 23 fois avant d’asphyxier les deux fils du couple, Eliam, cinq ans, et Zac, deux ans.
Ballouz, logé à l’Établissement de détention pour femmes Leclerc, se fait maintenant désigner par le prénom « Levana ». C’est un cas de plus d’un nouveau phénomène que l’on a baptisé « dysphorie sexuelle déclenchée par l’incarcération ». Il s’agit d’une forme suspecte de prétendu malaise profond face à son corps sexué qui « émerge » par coïncidence chez des hommes condamnés ou en attente de jugement pour des crimes graves passibles de longues peines d’emprisonnement.
Ce phénomène pourrait être en augmentation dans les pays qui ont adopté des politiques d’auto-désignation du sexe (Sex Self-ID) dans leur système correctionnel. Les origines de la « dysphorie sexuelle déclenchée par l’incarcération » au Canada remontent à un meeting public organisé en janvier 2017 à Kingston (Ontario), au cours duquel le Premier ministre Justin Trudeau, dans une réponse impromptue à une question venue de l’auditoire, s’est personnellement engagé à séparer les détenus fédéraux en fonction de leur identité sexuelle autodésignée plutôt qu’en fonction de leur sexe biologique.
Cet engagement spontané a conduit à l’adoption par le Service correctionnel du Canada (SCC) du Bulletin d’orientation provisoire 584, remplacé depuis par le Bulletin d’orientation 685. Cette politique permet aux détenus transidentifiés d’être logés en fonction de leur identité de genre auto-désignée, « peu importe leur anatomie », à moins que des préoccupations dominantes en matière de santé ou de sécurité ne puissent être résolues.
Les femmes incarcérées au Canada ont ressenti presque immédiatement les effets de la décision improvisée de M. Trudeau. Une étude du SCC réalisée en 2022 a révélé qu’entre 2017 et 2022, 20 détenus de sexe masculin s’identifiant comme transgenres ont été logés dans des prisons fédérales pour femmes au pays, soit un tiers de la population totale des détenus de sexe masculin s’identifiant comme transgenres au cours de cette période.
L’étude du SCC a également montré que la plupart des détenu-es transgenres et « de la diversité de genre » (gender-diverse) au Canada sont de sexe masculin et purgent de longues peines, 90 % d’entre eux ayant été condamnés pour des crimes de violence, y compris des infractions sexuelles et des homicides. Dans un autre rapport de l’institut Macdonald-Laurier publié l’an dernier à propos de l’identité de genre et des schémas de délinquance au Canada, Jo Phoenix, professeure de criminologie, note que presque toutes les personnes incluses dans l’étude et ayant des antécédents d’infractions sexuelles ont commis leurs crimes avant de s’identifier comme trans ou non binaire.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles un criminel masculin condamné pourrait exploiter une politique autorisant à s’auto-désigner dans le système pénitentiaire féminin. Une telle démarche pourrait faciliter son traitement en détention, l’accès à des partenaires sexuelles ou, dans le cas des délinquants sexuels, l’accès à de nouvelles victimes. Selon April Kitzul, agente du SCC à la retraite, les délinquants sexuels sont également « les détenus les plus méprisés », ce qui fait du transfert vers un établissement pour femmes un moyen attrayant d’éviter le harcèlement par d’autres détenus.
Les hommes qui réussissent dans leur demande de transfert se retrouvent logés aux côtés de certaines des femmes les plus vulnérables de la société canadienne, dont la vie est marquée par la pauvreté, la marginalisation et des taux disproportionnés de violence conjugale et d’agression sexuelle. Les politiques d’auto-désignation du sexe signifient que des femmes déjà extrêmement vulnérables doivent supporter d’être enfermées avec des individus tels que Ballouz, qui a été reconnu coupable d’un triple homicide, ou Tara DeSousa, le plus jeune délinquant sexuel condamné au Canada qui, à l’âge de 15 ans, a violé un bébé de trois mois, ce qui a obligé cet enfant à subir une intervention chirurgicale corrective d’urgence.
DeSousa a commencé à se déclarer femme après sa condamnation et est maintenant hébergé à l’Institut des femmes de la vallée du Fraser, un établissement doté d’une unité mère-bébé. Des signalements issus de femmes de cet établissement décrivent comment DeSousa rôde à proximité de l’unité mère-enfant et adresse des commentaires sexuels et inappropriés aux utilisatrices de cette ressource.
En 2022, les femmes incarcérées au Canada ont eu la rare occasion de faire connaître leurs expériences d’emprisonnement avec des criminels masculins. Dans une série de lettres personnelles, The Prison Letters, elles ont décrit des incidents répétés de harcèlement sexuel, de sévices et d’agressions. L’une d’entre elles a raconté qu’elle était constamment sur les nerfs et que les femmes ne pouvaient plus faire des choses aussi simples que de revenir de la douche vêtue d’une serviette. « Vous vous sentez plus gênée et obligée de calculer chacun de vos mouvements », a-t-elle expliqué.
Comme on aurait pu s’y attendre, de telles politiques ne bénéficient pas du soutien du Canadien moyen. Un sondage réalisé par MLI en 2023 a révélé qu’un peu plus de 70 % des Canadiens et des Canadiennes s’opposaient à ce que des criminels de sexe masculin soient logés dans des prisons pour femmes. Pour la plupart des gens, la notion même que des meurtriers, des violeurs en série, des pédophiles et même un nécrophile puissent s’auto-désigner femme après avoir été condamnés pour leurs crimes odieux et être logés dans des prisons pour femmes, dépasse l’entendement. Cependant, lorsqu’un pays rejette la réalité et laisse ses politiques publiques être guidées par un système de croyances aussi incohérent que l’idéologie du genre, tout devient possible.
Selon le ministère canadien de la Justice, la définition de la femme est « toute personne qui s’identifie comme une femme ». Cette définition est tout simplement absurde. Une femme est un être humain adulte de sexe féminin, ce que même le Service correctionnel du Canada (SCC) reconnaît tacitement. Seul un tiers des détenus masculins transidentifiés sont logés dans des prisons pour femmes, tandis que les deux autres tiers restent dans des établissements pour hommes. Cela indique manifestement que le SCC reconnaît ces personnes comme des hommes, indépendamment de leur identité féminine autodésignée. Après tout, il n’existe aucun scénario dans lequel une véritable femme serait placée dans une prison pour hommes. La sécurité des détenu-es est déjà un facteur clé dans les décisions de classification et de logement. Les détenus transidentitaires, comme les autres groupes vulnérables, peuvent être protégés en étant placés dans des unités plus petites ou plus isolées, avec d’autres détenus du même sexe dont les caractéristiques présentent un plus faible risque de préjudice.
S’il y a peu d’espoir que le gouvernement Trudeau prenne un jour en considération le droit des femmes détenues à leur vie privée et à leur dignité, on voit se profiler à l’horizon la possibilité d’un gouvernement fédéral du Parti conservateur. Comme l’a fait remarquer en mars dernier Brian Crowley, fondateur de l’IML, il suffirait, pour remédier aux retombées des politiques d’auto-désignation du sexe dans les prisons, de révoquer certaines politiques malavisées et d’en appliquer de nouvelles qui protègent les droits des femmes détenues. Aucune modification législative n’est nécessaire.
Le phénomène grotesque de la « dysphorie sexuelle déclenchée par l’incarcération » – et le fait qu’il soit pris au sérieux – souligne l’absurdité des politiques d’auto-désignation et met en évidence la nécessité d’un leadership beaucoup plus audacieux pour s’attaquer au problème dans son ensemble. Il s’agit simplement d’un symptôme ponctuel du problème beaucoup plus vaste posé par l’idéologie du genre. Si le leader conservateur Pierre Poilievre se retrouve à la barre et chargé de réparer les dommages causés par des années d’acquiescement des Libéraux aux extrémistes de l’idéologie du genre, il doit adopter une position ferme pour défendre la réalité. Cette prise de position devrait commencer par le rétablissement ferme de la définition d’une femme comme être humain adulte de sexe féminin.
Mia Hughes est spécialisée dans la médecine pédiatrique du genre, les épidémies de type psychiatrique, la contagion sociale et l’intersection des droits des transgenres avec les droits des femmes. Elle est l’autrice de l’essai The WPATH Files et est Senior Fellow à l’Institut Macdonald-Laurier.
Peter Copeland est directeur adjoint de la Politique intérieure à l’Institut Macdonald-Laurier.